dimanche 14 juin 2015

[Avis en vrac] Vus et revus en 2015 #4


Loin de la foule déchaînée, de Thomas Vinterberg (2015)

AU CINÉMA - ACTUALITÉS


Mad Max : Fury Road, de George Miller (2015)

Tadadadada Mad Max ! Tadadadada Mad Max ! On a pendant longtemps scandé son nom en attendant en quelque sort le messie du blockbuster contemporain. Car à n'en pas douter, s'il y a bien quelque chose de plus apocalyptique que l'univers de Max Rockatansky, c'est le paysage des super-productions actuelles. Trêve de plaisanteries, faisons court : Mad Max : Fury Road est possiblement le tournant de blockbuster d'action le plus important depuis Terminator 2 : Le Jugement Dernier ou Une Journée en Enfer. En ré-inventant le story-telling dans le genre, notamment en faisant dialoguer son film par l'action, George Miller (71 ans, rien que ça) met quarante longueurs d'avance à presque tout Hollywood. Il livre avec son dernier film un chef-d'oeuvre définitif, peut-être son film-somme, un film d'action virtuose sans discontinuité, à l'intelligence rare, une sorte de miroir déformant de bien des thématiques actuelles que le réalisateur vient sublimer dans ce gigantesque film finalement très humaniste. Incroyablissime.

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Loin de la foule déchaînée, de Thomas Vinterberg (2015)

Qui aurait soupçonné un jour Thomas Vinterberg, auteur de Festen et pilier du Dogme 95, d’ouvrir un film en rendant hommage à John Ford ? Et pourtant la surprise est bien là. En adaptant un classique de la littérature britannique de Thomas Hardy, préalablement porté à l’écran par John Schlesinger (et plus librement par Stephen Frears dans Tamara Drewe), Vinterberg s’émancipe définitivement de la première partie de sa carrière, tout en conservant son audace visuelle. Derrière ses airs qui pourraient paraître trop classiques ou trop soignés, Loin de la foule déchaînée défait l’académisme qui a longtemps gangréné l’adaptation de classiques littéraires pour offrir une fresque passionnée qui s’inscrit comme un des films les plus riches de 2015.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/loin-de-la-foule-dechainee-thomas-vinterberg-2015/

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Sicario, de Denis Villeneuve (2015)

Festival de Cannes, compétition officielle.


Pleins feux sur Denis Villeneuve, qui après le très remarqué Incendies, l’imposant Prisoners et le vertigineux Enemy, parvient avec Sicario à imposer au Festival de Cannes un thriller d’action étouffant et jusqu’au-boutiste. Ici quelque part entre Cartel de Ridley Scott et Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, Villeneuve se confirme une fois de plus et établit brillamment sa position fraîche mais désormais d’envergure au sein du cinéma américain contemporain. Une inquiétante mais saisissante essence de rage cinématographique, que demander de mieux au milieu de la pas forcément probante sélection 2015 de Thierry Frémaux ?

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/sicario-denis-villeneuve-2015/

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La Bataille de la Montagne du Tigre, de Tsui Hark (2015)

Des ralentis improbables, du mobilier qui vole, de la 3D et des Chinois en action : pas de doute, on est bien chez Tsui Hark. La Bataille de la Montagne du Tigre s'inscrit probablement parmi les meilleurs films de la période contemporaine du grand maître hong-kongais et offre au spectateur tout ce qu'il pouvait fantasmer à propos d'un tel sujet : un générosité en or massif soulignée par une immense maestria de mise en scène qui jamais ne cède à la bêtise, assumant son pendant parfois joyeusement grotesque. En dépit d'éventuelles longueurs dans le rythme (le film est quand même plutôt long) ou de quelques confusions dans l'écriture, l'épique est tout de même présent tout le long, notamment au cours de trois immenses scènes d'action qui comme toujours offrent leur lot de jamais vu ou pas loin. Et puis cette 3D, mes bonnes gens, ça c'est du spectacle !

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Trois souvenirs de ma jeunesse, d'Arnaud Desplechin (2015)

Festival de Cannes, Quinzaine des réalisateurs.

Malheureusement pas un fin connaisseur de Desplechin (c'est un tort auquel je vais remédier) j'avais toutefois été plutôt très emballé par Jimmy P. : psychothérapie d'un Indien des plaines. Coup de cœur renouvelé avec le très beau Trois souvenirs de ma jeunesse, sincère œuvre au parfum d'intime boosté par une très belle ambition cinématographique. Desplechin travaille très habilement le souvenir dans ces univers passés un peu fantasmés qu'il décrit, légèrement décalés (ce que le jeu des acteurs rend admirablement bien), avec une touche de mélancolie extrêmement bien vue qui participe à la beauté de l'ensemble. Avec ces "Je me souviens..." de Mathieu Amalric (toujours très juste, comme d'habitude), difficile de ne pas repenser un peu à Amarcord de Fellini : en résulte un film d'expériences de vie, quelque chose qui respire le vrai et qui nous touche.

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Youth, de Paulo Sorrentino (2015)

Festival de Cannes, compétition officielle.  

Fort heureusement, il y a aura toujours des auteurs un peu en dehors du temps pour entretenir la flamme du grotesque. Et grotesque, non, pas dans son sens péjoratif, simplement dans son sens artistique, à prendre comme un courant d’air frais un peu indescriptible, avec une sorte de charme suranné évidemment plaisant, et un soupçon de cynisme. Tout ceci n’a pas disparu avec Fellini, et Paolo Sorrentino, avec Youth, le prouve à nouveau après La Grande Belleza, qui d’ailleurs n’avait pas laissé indifférent la Croisette en 2013 et avait même récolté la petite statuette en or américaine l’année suivante.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/youth-paolo-sorrentino-2015/

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A la poursuite de demain, de Brad Bird (2015)

Dire que j'attendais très vivement le nouveau film de Brad Bird aurait été un doux euphémisme. A la poursuite de demain (merci les traducteurs, encore une fois) m'inspirait quelque chose d'aussi épique, créatif et original que le très réussi Jupiter : le destin de l'univers (merci les traducteurs bis). J'ai dû malheureusement revoir rapidement mes exigences à la baisse vis-à-vis de cette nouvelle production Disney : certes loin d'être mauvaise et blindée de bonnes idées, il y a quelque chose qui ne prend pas là-dedans. Avant tout il y a sûrement un problème de construction dans l'histoire : le rythme est trop laborieux et presque l'intégralité du film n'est finalement que de l'exposition, construite dans d'interminables dialogues explicatifs (souvent dans une voiture) d'ailleurs très platement filmés par Brad Bird en champ / contre-champ. Le scénario n'arrive pas franchement à exploiter pleinement son propre concept, se perd dans des péripéties un peu superflues ou dans d'autres ajouts qui entachent le tableau, notamment ce bad-guy dont le récit n'a pourtant pas besoin (le personnage en lui-même est intéressant, dommage qu'il soit vil). Et pourtant tout le reste est là ou pas loin : il y a cet esprit créatif que l'on dirait presque hérité d'Amblin, cette touche un peu artisanale façon Joe Johnston (la présence d'une sorte de simili-Rocketeer m'influe peut-être) et des moments de bravoure dans la réalisation de Brad Bird, notamment un élégant long-plan de découverte de Tomorrowland. Mais le film manque d'unité, voire parfois un peu de passion (en témoigne une énième partition peu inspirée de Giacchino, qui ne se renouvelle plus), dans cette production laissée quelque peu à l'abandon par Disney. La 3D aurait même été la bienvenue. C'est d'autant plus dommage de se retrouver face à ce film fort bien intentionné, sans doute plutôt sympathique, mais peut-être un peu anecdotique par son caractère inachevé.

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Vice-versa, de Pete Docter et Ronnie Del Carmen (2015)

Festival de Cannes, hors-compétition.

Le studio à la petite lampe de bureau qui sautille traverse depuis désormais quelques années une certaine crise prenant la forme d’une panne créative. Depuis la somptueuse conclusion Toy Story 3 (qui bien évidemment va être gâchée par une suite), Pixar n’est pas parvenu à livrer une production réellement réussie, alternant suites inutiles (Cars 2, Monsters University) ou productions originales peu inspirées (Rebelle). Pourtant, il semblerait que Vice Versa, présenté en hors-compétition au 68ème festival de Cannes, ait su générer un enthousiasme collectif parmi ses spectateurs. L’engouement est tel que l’on s’interroge sincèrement dessus, comme si le public s’était résolu à niveler ses exigences par le bas, portant aux nues une nouvelle production certes pas désagréable, mais tout de même loin de ce qu’a pu offrir le même studio jadis.

A lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/vice-versa-pete-docter-ronaldo-del-carmen-2015/

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Taxi Téhéran, de Jafar Panahi (2015)

C'est compliqué de se prononcer sur le nouveau film de Panahi : que faut-il remarquer, que faut-il retenir ? Juste le concept ? L'idée de faire un film pour un réalisateur à qui c'est interdit ? Le film en lui-même n'est pas forcément génial, mais comment avoir une opinion dessus en faisant fi de son contexte ? Taxi Téhéran ouvre une fenêtre sur l'Iran qui semble avant tout destinée au spectateur occidental. L'idée du film est très bonne mais malheureusement peu approfondie, finalement le concept du taxi n'est exploité que pendant le premier tiers. Le reste devient une affaire plus personnelle pour Panahi, avec parfois ce désagréable sentiment de pleurnicherie, qui toutefois se conjugue à quelques passages d'une grande beauté (la dame aux fleurs). Je reste toutefois un peu embêté vis-à-vis du dispositif de mise en scène : c'est dommage d'essayer de faire passer pour du vrai toutes ces situations trop écrites, on avait déjà compris où Panahi voulait en venir. C'est tout de même à voir, car bien que très maladroit, ça reste une création qu'il faut encourager, et un regard quand même instructif, bien que sans doute un peu unilatéral, sur un quotidien que nous ne connaissons pas forcément bien.

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Carol, de Todd Haynes (2015)

Festival de Cannes, compétition officielle.  

Œuvre fortement attendue à Cannes, de par son sujet, son casting et bien entendu son réalisateur, Carol se sera dûment fait attendre dans la carrière de Todd Haynes, consacrant toutes ses dernières années depuis le très intéressant I’m Not There (2007) à la production télévisuelle. Malheureusement, derrière ses airs élégants et d’actualité, Carol prend la forme d’un film peu passionné, voire presque trop académique dans sa description d’une relation lesbienne dans l’Amérique des années 50.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/carol-todd-haynes-2015

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La Loi du marché, de Stéphane Brizé (2015)

Festival de Cannes, compétition officielle.

Il est courant de voir certains détracteurs du Festival de Cannes pester contre l’absence de cinéma « de genre » en compétition officielle (bien que le cru 2015 tende plutôt à prouver le contraire malgré son hétérogénéité qualitative), mais quoi qu’il en soit, force est de constater que la France le représente bien, avec l’aide de Stéphane Brizé, ce fameux « genre ». Car La Loi du marché, c’est un pur film de genre. Oui. Entendez par là le film qui applique platement et méthodiquement ce qui a plus ou moins codifié au cours de ces vingt dernières années le film social contemporain. Énième œuvre de la sorte qui n’a rien à dire sur son sujet, La Loi du marché est un drame automatisé qui n’a pour lui que son acteur principal (d’ailleurs lauréat du prix d’interprétation masculin).

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/la-loi-du-marche-stephane-brize-2015

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Maggie, de Henry Hobson (2015)

Au-delà de mon traditionnel haussement d'épaules face à une énième production avec des zombies (ça commence à bien faire quand même), j'ai toutefois un certain intérêt pour le concept de Maggie. L'idée de percevoir cette sorte de fin du monde depuis la modeste campagne américaine, sans faire justement un film de zombies mais plutôt un drame à l'ambiance apocalyptique, pourrait s'avérer vraiment intéressant. Malheureux, le film de Hobson n'a franchement pas vraiment d'idées du début à la fin, exploite très platement un univers de zombies vu et revu, et s'avère finalement foutrement laborieux et ennuyant, sous ses airs pauvres de cinéma d'auteur indépendant américain. Tout est terne, l'image est terne, le scénario est terne, l'ambition est terne. Schwarzenegger veut sans doute bien faire et il a toute ma sympathie, mais on reste trop en surface et Hobson se content de faire des gros plans sur l'acteur herculéen qui pleure. Encore une fois dommage car le concept est là, j'aime cette campagne profonde, j'aime ce sentiment d'Americana. Mais rendre hommage un peu grossièrement aux Moissons du Ciel, ça ne suffit pas vraiment.

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Ex Machina, de Alex Garland (2015)

Dans le scope usé et usant des "films de robots" Ex Machina se pointe l'air de rien comme l'authentique film de trop prouvant l’obsolescence de la thématique à l'heure de la dématérialisation. Après le très mauvais Chappie et l'agréable mais limité Automata, cette production SF britannique ressasse une fois de plus les grandes thématiques du genre sans être capable d'apporter quelque chose, sans les transcender. De nouveau le mythe de l'androïde féminin est au premier plan, à croire qu'avec les près de quatre-vingt dix années séparant le film de Metropolis, on ne peut pas apporter un concept plus frais. Et sans citer le Lang, rien de ce que propose Ex Machina n'aura pas été préalablement traité dans Blade Runner ou I.A. : Intelligence Artificielle. Ici l'on a affaire une fois de plus à une anticipation fade et désespérément lisse, ce film à la mise en scène toute propre et toute calculée, sans beaucoup d'âme, au dernier tiers à la bêtise insondable qui ôte le peu de sympathie que l'on pourrait avoir pour le film d'Alex Garland. Terriblement oubliable.

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San Andreas, de Brad Peyton (2015)

On pensait le genre du film catastrophe plutôt éteint depuis le franchement con 2012, mais force est de croire qu'il a encore des héritiers. En soit, un film avec Dwayne Johnson qui sauve l'humanité dans une Californie qui s'effondre a toute mon intention, pour la simple et bonne raison que j'éprouve une réelle adoration pour le bonhomme. Toutefois, San Andreas ne déroge pas à la règle : on tient ici un blockbuster crétin XXL qui écule tous les poncifs du genre que l'on imaginait désormais enterrés. Je pensais que le personnage de Johnson allait être confrontés à de réels dilemmes (vu son métier de sauveteur), mais même pas, il faut une fois de plus sauver la famille. Pour le reste, c'est de la réalisation sans âme qui peine du coup à trouver de l'ampleur (on imputera les quelques sympathiques plans larges ou panoramas de destruction au superviseur SFX Colin Strause), de la musique moche façon Brian Tyler et des péripéties automatiques. Paul Giamatti vient (encore !) cachetonner. On retient toutefois la superbe plastique d'Alexandra Daddario, dont le moulant débardeur vaut bien tous les tremblements de terre du monde.

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Plus fort que les bombes, de Joaquim Trier (2015)

Festival de Cannes, compétition officielle.

Difficile est la tâche pour l’auteur remarqué en festival que de réitérer sa « performance », évidemment attendue au tournant. Douche froide plutôt notable pour Joaquim Trier qui, après Oslo 31 août, revient ici aux commandes de Plus fort que les bombes, film propulsé par un casting de choix, mais finalement condamné à errer dans les profondeurs insondables du drame laborieux et totalement creux. D’un ennui terrassant, le troisième métrage de Trier échoue dans presque tout ce qu’il entreprend, ne laissant à son spectateur que ce sentiment bien désagréable de la caricature du film auteuriste pour festival.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/plus-fort-que-les-bombes-joachim-trier-2015/

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Jurassic World, de Colin Trevorrow (2015)

Alors qu’un septuagénaire australien semble avoir redéfini les codes du blockbuster post-moderne, Jurassic World de Colin Trevorrow pointe le bout de son museau. La comparaison avec Fury Road est en quelque sorte inévitable, puisque dans un cas comme dans l’autre il s’agit de la reprise d’une licence cinématographique connue. S’armant d’un pitch toutefois aguicheur basé sur le concept idéal au possible pour une éventuelle suite de la saga initiée par Steven Spielberg, Jurassic World s’échoue dans les limbes du blockbuster générique, une production de plus sans grand intérêt ni grande ambition autre que celle de surfer sur la licence exploitée.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/jurassic-world-colin-trevorrow-2015

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Le Labyrinthe du Silence, de Giulio Riccarelli (2014)

Énième film bien formaté de chasse aux sorcières, Le Labyrinthe du silence est une production moralement extrêmement discutable dans sa revisite hautement basique d'une période complexe. En se permettant de juger l'Histoire, de manière binaire et simpliste qui plus est ("tout le monde est nazi sauf ceux qui ont dit non"), le film passe totalement à côté de son sujet et en oublie justement les enjeux moraux et de responsabilité les plus profonds, ne tenant jamais compte de son contexte. Il préfère sombrer dans le larmoyant et le pathos irrespectueux, notamment dans cette scène atroce de prise de conscience boostée à la musique ultra-larmoyante. A l'arrivée, c'est juste téléfilmesque, malhonnête et vulgaire. A ceux qui veulent un film qui respire le vrai sur l'après-guerre en Allemagne et sur la dénazification, je ne peux que conseiller Verboten! de Samuel Fuller, à ceux qui veulent revenir sur la justice vis-à-vis d'anciens nazis, il faut impérativement voir Jugement à Nuremberg de Stanley Kramer. C'est autre chose !

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Marguerite et Julien, de Valérie Donzellie (2015)

Festival de Cannes, compétition officielle. 

Quel engrenage est brisé dans le cinéma français pour qu’un film comme Marguerite et Julien se retrouve en compétition au Festival de Cannes ? Bien que Valérie Donzelli soit parvenue à se faire remarquer avec La Guerre est déclarée, elle présente ici un nouveau film pompeux et presque mégalomane dans son sens le plus détestable possible, une roue libre cinématographique de mauvais auteur qui se complaît derrière ses très vaines images. Marguerite et Julien, c’est un peu le pompon de ces productions dont on se demande comment elles ont été encadrées tant c’est ouvertement désespérant du premier au dernier photogramme. Retour sur l’un des principaux challengers pour la Palme de Plomb de cette édition 2015.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/marguerite-et-julien-valerie-donzelli-2015/

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AU CINÉMA - RESSORTIES


L'Armée des Ombres, de Jean-Pierre Melville (1969)

Revisionnage.

L’ambiance habituelle des lumières qui s’éteignent dans la salle de projection laisse place à une lourde atmosphère. Premier plan. Les bottes de la Wehrmacht claquent sur les Champs-Élysées. Plus de quarante-cinq ans après la sortie du film, le coup de poing d’entrée de jeu, signé Jean-Pierre Melville, est toujours intact. La sinistre image réinstaure un contexte de trauma qui jamais ne s’échappera du spectateur de L’Armée des Ombres, et qui ne s’est probablement jamais échappé non plus depuis le premier visionnage. La ressortie en salle, en version restaurée, de l’un des chefs-d’œuvre définitifs du genre, est l’occasion parfaite de convier dans notre esprit, une fois de plus, ces mauvais souvenirs d’une jeunesse lointaine. Lointaine et pourtant tellement proche, tellement là, tellement palpable.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/larmee-des-ombres-jean-pierre-melville-1969/

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Le Doulos, de Jean-Pierre Melville (1962)

On ne s'étendra pas outre-mesure sur le genre grandiose qu'est le film noir à la française, surtout chez Melville : Le Doulos, c'est génial et ça n'est pas une surprise. On retrouve Serge Reggiani, une fois de plus formidable derrière ses airs renfermés et blasés, contrastant évidemment avec le côté bon vivant de Jean-Paul Belmondo avec qui l'affiche est partagée. Ambiance formidable mais surtout scénario richissime, dans ces manipulations qui nous emmènent on-ne-sait-trop où, jusqu'à une révélation incroyable, aucunement gratuite, et trouvant un écho d'autant plus beau dans le final du film. Encore un film dont on est heureux de sortir déprimé.

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Le Cercle Rouge, de Jean-Pierre Melville (1970)

Revisionnage.

Avec un tel quator d'acteurs (Delon, Bourvil, Montand, Volonte), on ne peut sortir que repus du Cercle Rouge, où l'on sent bien Jean-Pierre Melville sur la dernière lancée de sa carrière, tout du moins atteignant son paroxysme entre cette oeuvre-ci et L'Armée des Ombres, son film précédent. Dément film de casse empruntant tout de même pas mal à Jules Dassin et son génial Du Rififi chez les hommes (notamment le casse en lui-même, totalement mutique), c'est encore quelque part un de ces films noirs peu aimables, et tant mieux. L'univers dépressif de Melville trouve ici une résonance parfaite dans une réplique du film, "Tous coupables !", que l'on se résigne à accepter à contre-cœur. C'est toujours aussi puissant.

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Un Flic, de Jean-Pierre Melville (1972)

Échec de taille clôturant la carrière de son réalisateur, Un Flic est le film où Melville s'est le plus radicalisé : il est quelque part à sa carrière ce que Miami Vice est à celle de Michael Mann (histoire de rester dans un de ses héritiers). Mais sans doute à contrario du film de Mann, la radicalisation de Melville ne débouche pas sur une de ses meilleures œuvres : quand bien même le début est exceptionnel (une fois de plus, cet incroyable casse à l'ambiance sonore bercée par l'inquiétant bruit de la mer), on ne sait pas où Melville nous emmène. C'est un film opaque, au scénario parfois brumeux, et malheureusement un peu plombé par Alain Delon, totalement en roue libre, qui en fait pour le coup des tonnes dans cette sorte de revisite de Harry Callahan (dont le film est sorti la même année). Esthétiquement, le film repousse toutes les barrières de la sobriété classique melvillienne et offre un environnement encore plus dépouillé, épuré et monochrome que d'habitude, ne le rendant pas forcément évident à la digestion. A voir tout de même, et peut-être à redécouvrir plus tardivement.

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Dragon Inn, de King Hu (1967)

Parmi la petite flopée de films qui existent autour de cette fameuse auberge du dragon, j'avais vu la récente (et deuxième) version de Tsui Hark qui m'avait laissée un brin dubitatif avec toute sa confusion dans l'écriture, malgré son immense richesse cinématographique. J'en viens du coup à me demander comment Tsui Hark a pu rendre aussi confus un scénario pourtant aussi clair et génial que celui de Dragon Inn, C'est fabuleux de retrouver de la sorte une équivalence des codes que l'on avait alors en Europe avec les films de Leone. L'ambiance est lente et les personnages taciturnes, mais il y a un certain penchant aux traits d'esprits, le tout dans ces incroyables cadres cinémascope que la version restaurée dévoile sous leur plus beau jour. Sans doute un point de référence majeur pour tous les amateurs de 武俠片... euh, pardon, de wu xia pian.

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La Croisière du Navigator, de Donald Crisp et Buster Keaton (1924)

Revisionnage, ciné-concert.


Je dois avouer que je suis passablement déçu dans ma redécouverte de La Croisière du Navigator : je conservais le souvenir d'un Keaton totalement épique et finalement, bien qu'extrêmement sympathique, le film ne brille pas parmi les plus géniaux de l'auteur burlesque. Plus simplement le film n'est pas forcément bien rythmé, laborieux dans son exposition (c'est un peu le cas du Mécano de la Général aussi) mais surtout son rythme de croisière (c'est le cas de le dire) par rapport aux scènes de gag n'est pas forcément hétérogène. On pourra évidemment recenser des scènes géniales, profondément hilarantes (la scène sous-marine ou le visage du capitaine au hublot), mais il manque éventuellement le souffle sur-inventif des autres films de Keaton. Enfin, après, on ne va pas se mentir non plus, ça reste quand même très bien !

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Femmes entre elles, de Michelangelo Antonioni (1955)

J'ai profité de la rétrospective Antonioni à la Cinémathèque pour découvrir, en plus de l'exposition (d'ailleurs décevante), Femmes entre elles, qui m'était totalement inconnu. Curieux Antonioni, pour le moins que l'on puisse dire, que ce film qui, en simplifiant de manière un peu abusive, prend pour intrigue les potins féminins. Antonioni cultive toutefois de très beaux personnages, très variés dans la description qu'ils font à travers eux des mœurs de la société italienne. Il y a évidemment dedans l'esprit du néo-réalisme italien, et l'étude de ses thèmes forts, mais il manque peut-être d'ampleur, parfois de profondeur ou tout simplement de rythme, sans doute trop lent pour ce qu'il décrit. Un regard toutefois intéressant sur le quotidien de cette caste féminine bourgeoise.

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EN VIDÉO


L'Epopée de l'Everest, de John Noel (1924)

A l’heure où la moindre parcelle terrestre semble avoir été photographiée par toute sorte d’appareils numériques et montrée sur Youtube ou exhibée par Google, on ne se rend peut-être plus compte de l’immense valeur de L’Epopée de l’Everest, tout fraichement restauré par le BFI (British Film Institute). Six décades avant que les endroits les plus mystiques du globe soient magnifiées par Godfrey Reggio et Ron Fricke, le documentaire du capitaine John Noel s’embarquait déjà dans une aventure incroyable aux confins d’un monde alors inconnu. Il en résulte un véritable trésor, ces images qui ont le privilège d’avoir été les premières à impressionner sur pellicule des lieux et personnes qu’alors beaucoup n’avaient jamais vus, voire jamais entendu parler, autrement que dans de vagues récits d’exploration. Et c’est également un peu notre privilège de redécouvrir ces images inédites, avant-gardistes, impressionnantes et majestueuses.

Critique à lire sur Filmosphere :
http://www.filmosphere.com/movies/lepopee-de-leverest-j-b-l-noel-1924

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Alien, le huitième passager, de Ridley Scott (1979)

Revisionnage (director's cut).

C'est impressionnant de se dire qu'Alien, le huitième passager, a soufflé tranquillement l'an passé ses trente-cinq bougies. Le vernis injecté par Ridley Scott qui le recouvre semble définitivement à l'épreuve du temps. Parce qu'Alien est la métaphore d'un cauchemar, il en est peut-être d'autant plus universel, aux antipodes d'être un simple film horrifique. L'angoisse est psychologique et Ridley Scott comme Dan O'Bannon l'ont compris dans cette revisite psychologique freudienne d'un film fantastique aux allures parfois médiévales, ce qui rend, d'ailleurs, le choix de Ridley Scott pour réaliser encore plus brillant.


Le Pôle Express, de Robert Zemeckis (2004)

Revisionnage (3D).

Après avoir totalement redécouvert La Légende de Beowulf, je me devais d'entreprendre une rétrospective du pan de carrière en animation chez Robert Zemeckis. Je n'avais jamais conservé un souvenir chaleureux de son premier du genre, Le Pôle Express, et force est de constater qu'une fois de plus j'étais dans l'erreur. C'est un film profondément virtuose et il faut avant tout saluer l'audace de la technologie, la fameuse performance-capture, couplée à celle de faire un film en 3D bien avant le retour à la mode de la technologie avec Avatar. Artistiquement, le film est d'une immense richesse et guidé d'une main de maître pendant toute sa première moitié, incroyable d'aventures épiques, d'ailleurs soutenues par la partition très inspirée d'Alan Silvestri, qui permettent à Zemeckis de profiter pleinement de la liberté offerte par la technologie. La deuxième moitié, et notamment la fin, tombe éventuellement plus à plat, prisonniers d'une naïveté de Noël peut-être trop abondante, mais au moins on peut y sentir la sincère générosité de Zemeckis, qui mine de rien, sera parvenu à proposer une aventure en animation impressionnante et radicalement différente de ce qu'on faisait alors.



Les Visiteurs, de Jean-Marie Poiré (1993)

Revisionnage.

A l'heure où se tourne un troisième opus bien douteux (en réalité quatrième mais il y en a un dont-il-ne-faut-pas-mentionner-l'existence) et où le genre de la comédie française est critique, je souhaitais me replonger dans Les Visiteurs, que pendant longtemps j'ai connu par cœur. Et pour être très franc, j'y vois encore et toujours une comédie remarquable, dans son "savant" dosage entre un humour certes gras mais percutant et un sens du rythme vraiment sur le fil (sauf peut-être le dernier quart, un peu laborieux). Et avec le recul que l'on a aujourd'hui, c'est quand même plaisant de retrouver une comédie qui a un minimum d'ambition, un réel concept cinématographique à proposer que Jean-Marie Poiré s'amuse à exploiter. Et puis, quelque part, réussir à maîtriser la roue libre de Christian Clavier, c'est vrai exploit !

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Minority Report, de Steven Spielberg (2002)

Revisionnage.

Minority Report est peut-être le Spielberg que j'ai le plus revu (Les Aventuriers de l'Arche Perdu à part, que j'ai du voir trente fois), et pourtant je continue à être sidéré par ce que je découvre et redécouvre à chaque revisionnage. Formant une sorte de diptyque d'anticipation aux côtés de I.A. : Intelligence Artificielle (que j'ai revu très nettement à la hausse il y a peu), l'adaptation de K. Dick selon Spielberg figure au panthéon du genre, remarquable blockbuster vertigineux du premier au dernier photogramme, modèle d'intelligence dans son écriture et de finesse dans sa mise en scène.  Tom Cruise y trouve, bien entendu, un de ses meilleurs rôles (tout comme son autre collaboration avec Spielberg dans La Guerre des Mondes), dans cette fresque d'anticipation façonnée tel un diamant, somptueux et translucide, dans lequel on se perd au milieu de tous ces reflets trompeurs. Chef-d’œuvre.


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Baraka, de Ron Fricke (1992)

J'avais découvert Ron Fricke en tant que réalisateur directement avec Samsara, qui m'avait alors totalement sonné, me laissant une claque cinématographique inégalable. Bien que son grand frère Baraka soit également d'une maîtrise bouleversante et d'une complémentarité géniale vu les vingt ans qui sépare les deux films, jouant évidemment sur le contexte, je le considère moins comme un achèvement total que le dernier Fricke. Il n'en reste pas moins une expérience cinématographique intense, portée par tous ces essais formels hallucinants qui capturent un monde comme jamais il ne l'a été auparavant, avec un regard autant fasciné que réaliste.

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Conan le Barbare, de John Milius (1982)

Revisionnage.

Définissant quasiment à lui tout seul le genre de l'heroic-fantasy à la sauce épique, Conan le Barbare (tout comme Legend dans une approche plus enchanteresse - au passage Ridley Scott avait également Conan comme projet quelques années auparavant en collaboration avec Oliver Stone) se trimballe pourtant l'image d'un film daté et usé, kitch et idiot, alors qu'il n'est ni plus ni moins qu'un opéra virtuose coordonné par l'audacieux John Milius. Il y a une vraie science de cinéma là-dedans, de cette économie de dialogue (certaines scènes viennent quasiment du cinéma muet), ponctuée par la fresque musicale de Basil Poledouris, à cette ampleur de la mise en scène, vestige d'un autre temps, qui vient sublimer ses héros mythologiques. Et puis, un film où le souhait du héros est "d'anéantir les ennemis, avoir leurs femmes à ses pieds et écouter leurs lamentations" ne peut être qu'un bon film, par Krom !

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L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, de Jean-Pierre Jeunet (2013)

Revisionnage (3D).

J'avais vivement défendu T.S. Spivet (pour faire court) lors de sa sortie (cf ancienne critique pour feu Cineheroes - j'écrivais quand même vachement moins bien à l'époque !), et le revisionnage me confirme cette impression. Quand bien même on a de quoi être franchement dubitatif sur certains points d'écriture (encore une fois, la séquence du talk-show manque vraiment de subtilité et vient gâcher l'équilibre global), impossible de ne pas être emporté par le voyage que propose Jeunet. C'est un peu comme chez Méliès, on est dedans, on découvre naïvement quelque chose de tout nouveau (en plus avec cette impressionnante 3D) avec des yeux de bambin. Jolie fable initiatique sur l'enfance et son éphémère fragilité, T.S. Spivet donne une fraîche respiration à la carrière de Jeunet (même si son échec commercial sévère risque d'avoir de graves répercussions).

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World Invasion : Battle Los Angeles, de Jonathan Liebesman (2009)

J'en viens à me demander si World Invasion : Battle Los Angeles n'est pas l'un des blockbusters les plus inconsistants jamais vus. Car c'est incroyable, ici on atteint un niveau d'amateurisme et de feignantise qui paraît presque record pour un genre qui a déjà pas mal de concurrence à ce niveau-là. Rejeton informe né d'un accouplement non approuvé entre La Chute du Faucon Noir et La Guerre des Mondes, le film de Liebesman (en compétition officielle pour être le pire metteur en scène américain actuel) n'a décidément rien pour lui. Ni cette réalisation illisible et baclée qui ne donne de l'ampleur à aucune scène, ni de direction artistique (rarement vu un minimum syndical aussi... minimum), ni de sens de l'écriture de l'action ou des personnages, ni un minimum d'ambition... Non, rien. On dirait une sorte de parodie de shoot'em up débile mais finalement à prendre très au sérieux, et avec un bon fond nauséabond bien fascisto-militariste comme on l'aime.

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Coup de Coeur, de Francis Ford Coppola (1982)

Et si le chef-d’œuvre définitif de Coppola était Coup de Coeur, le film qui lui a valu d'être un paria à Hollywood ? Plus qu'Apocalypse Now, c'est un peu le résultat de la folie de son auteur, qui ici pousse le bouchon jusqu'au bout, jusqu'au maximum du maximum, comme Michael Cimino dans La Porte du Paradis. Mais comme l'ami Cimino, quelque part, le plantage est assuré également. Pourtant tout est là, mais pour le spectateur cela implique d'accrocher au délire du cinéaste, de le suivre dans les méandres d'une histoire d'amour visuelle totalement inédite et visionnaire, trop avant-gardiste pour être immédiatement comprise. Et du coup, c'est comme l'amour, c'est fou. On finit par se perdre dans le charme de Natasha Kinski qui danse dans ce studio flashy éclairé aux néons d'un Las Vegas factice. Une pure expérience de cinéma, un grand Coppola, un grand film.

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Blade Runner, de Ridley Scott (1982)

Revisionnage.

N'y allons pas par quatre chemin, Blade Runner est mon film préféré et sans doute beaucoup ici l'auront déjà constaté. Bientôt 35 balais et le film de Ridley Scott révèle encore et toujours son pan visionnaire. En transcendant (une fois de plus) la science-fiction sans faire un film de science-fiction, ici mélange de genres et de mythologies, Scott détient les clés de l'universalité et l'atemporalité de son chef-d’œuvre. Le revoir, c'est être encore une fois sidéré par cette direction artistique visionnaire signée Syd Mead, ces effets visuels avant-gardistes de Trumbull, cette photographie atmosphérique de Cronenwerth, et bien entendu, l'écriture royale de Fancher et Peoples, adaptant judicieusement K. Dick. L'écho de cette immense maestria ne se retrouve que dans l’œil émerveillé du spectateur, jouissant de ce terrible spectacle, ce même œil qui répond à l'ouverture du film. "Si seulement vous pouviez voir ce que j'ai vu avec ces yeux", murmure Roy Batty (l'immense Rutger Hauer) à l'architecte de son regard perçant... Mais pourtant, on a l'impression d'avoir tout vu au sortir de Blade Runner.

J'attends par ailleurs d'un pied ferme la suite, projet sur lequel je suis évidemment resté longtemps dubitatif, avant d'être enchanté par le choix du prodigieux Denis Villeneuve pour la mettre en scène.

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L'Odyssée de Pi, d'Ang lee (2012)

"Tout ça pour ça ?", voilà le sentiment que m'a laissé le dernier film d'Ang Lee. Le périple spirituel et fort lourdeau qu'est L'Odyssée de Pi n'aura décidément pas su gagner mon intérêt. Il faut questionner d'abord l'écriture, trop peu subtile, trop appuyée, entachant l'éventuelle poésie visuelle sur laquelle se repose Ang Lee. Le personnage de Pi, fadasse au possible, n'est pas le vecteur idéal pour les enjeux que souhaite mettre en scène le film. Alors pour le spectateur ennuyé il faut lentement patienter devant les gesticulations peu crédibles de ce jeune homme sur fond vert, jusqu'à ce quelconque twist censé faire sens mais finalement plus désappointant qu'autre chose. Les quelques effets stylistiques d'Ang Lee dans sa mise en scène ou son montage si singulier peuvent éventuellement redonner un peu d'épice au tout, mais globalement, pas de quoi rattraper la fadeur de ce plat un peu trop niais et indigeste. Et puis, sur un plan subjectif, avoir Gérard Depardieu dans son film pour en faire juste ça, c'est plus désolant qu'autre chose.


Frankenweenie, de Tim Burton (2012)

Après l'ignoble Alice au pays des merveilles et le bouffon Dark Shadows, il fallait bien que j'essaye de me rabibocher tant bien que mal avec Tim Burton. Frankenweenie lui permet de remonter la rude pente, sans toutefois me convaincre entièrement. Avant toute chose, et à contrario de ses derniers films, c'est justement un film bien intentionné, modeste et honnête. En auto-remakant une de ses oeuvres fondatrices, Burton revient aux sources de son succès mais également y trouve ses limites : le film qu'il délivre n'est jamais surprenant et est globalement peu audacieux. Ressassant les références cinématographiques qu'on lui connaît, parfois à l'excès (le moulin en feu de Frankenstein, déjà présent dans Sleepy Hollow, fait quand même de trop), il fait quelque part du sur-place. Mais l'ensemble n'est pas désagréable, plutôt adroitement mis en scène et surtout l'ambiance a malgré tout son charme.

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Le Drôle de Noël de Scrooge, de Robert Zemeckis (2009)

Revisionnage.

Décidément, mon revisionnage (que j'ai pourtant appréhendé) de la trilogie d'animation de Robert Zemeckis aura été pour le meilleur. Le Drôle de Noël de Scrooge est encore une fois une fresque numérique assez incroyable, constamment virtuose et enchanteresse. Comme pour Le Pôle Express, il faut adhérer à l'ambiance de Noël, qui parfois en fait trop dans son mélo ou ses bons sentiments, mais Zemeckis a l'intelligence d'en faire quelque chose avec ces beaux personnages adaptés depuis Dickens. Du coup, on se perd dans la beauté de cet univers, décrit avec la maestria d'un grand conteur d'histoires. Et voir ces deux beaux et naïfs contes ponctués par le sanglant La Légende de Beowulf donne une singularité inimitable à cette "saga".

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Coup de tête, de Jean-Jacques Annaud (1979)

C'est bien là l’œuvre de la jeunesse d'un réalisateur. Dans Coup de tête, on sent le Jean-Jacques Annaud chevelu et hargneux dans sa jeunesse, dans ce film qui respire plutôt bien l'esprit contestataire de sa génération. On retrouve évidemment le tumultueux Patrick Dewaere, fabuleux comme souvent, et toujours en rage contre les instances bourgeoises. C'est un film de fouteur de merde comme on l'aime. Peut-être pas aussi incisif et libre comme un Blier, mais l'esprit est là. Tout est là pour souligner les clivages de l'époque et du contexte, notamment ces dialogues ou situations comme l'on en fait plus. Je ne soupçonnais pas forcément Annaud de pouvoir faire du cinéma insolent comme cela, mais tant mieux. Reste à voir son premier film, Noirs et blancs en couleur, semblant être dans le même esprit.


La Course au jouet, de Brian Levant (1996)

Revisionnage.

Arnold Schwarzenegger père de famille qui doit trouver un jouet pour son gosse, ça c'est un enjeu incroyable tout de même ! La Course au jouet est à ranger soigneusement dans les autres comédies de l'acteur, ces fameux "mauvais films sympathiques". Ici peut-être un peu moins agréable que les autres, car moins rythmé et moins inventif. Mais tout de même, on renoue avec ces moments de cabotinage de Schwarzenegger, ponctués par des punchlines insensées comme il faut ("Put the cookie down !") et des moments de bravoure plus toc que jamais. C'est con, mais ça ne fait pas de mal.

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Speed Racer, d'Andy et Larry/Lana Wachowsky (2008)

Revisionnage.

Je fais partie des spectateurs qui avaient été laissés totalement sur le bas-côté de la route face à Speed Racer. Mais quelque part, le film des Wachowsky est un peu comme La Légende de Beowulf de Robert Zemeckis : c'était (et c'est toujours ?) le cinéma de demain, et il fallait l'accepter pour entrer dans l'univers. Avec plus de recul, on se rend compte de l'incroyable virtuosité qui transcende chaque plan ou presque du film des Wachowsky. D'autant plus que Speed Racer ne sombre pas dans le décorum numérique vulgaire et ne reste pas un simple exercice de style : c'est la belle prolongation des valeurs et thématiques entretenues par le duo de cinéastes. Une pure expérience cinématographique, une prise de risque rare de la part des producteurs hollywoodiens.

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American Gangster, de Ridley Scott (2007)

Revisionnage - version longue.

Nouvelle fresque venant compléter l'incroyable arc du genre de Ridley Scott, American Gangster est peut-être l'un de ses plus sobres. Traitée quasiment de manière documentariste avec ses cadres (pour une fois) en 1.85, prenant subtilement la température de son époque grâce au remarquable scénario de Steven Zaillian, cette épopée dans le gangstérisme marque une fois de plus la modernité de son réalisateur et sa capacité à être protéiforme, tout en conservant un style inimitable. Ridley Scott parvient à traiter des personnages forts sans s'enfermer dans les limites de "l'histoire vraie" ou du classicisme hollywoodien : pas de compromis sur ce qui est montré. C'est l'occasion d'offrir à Denzel Washington l'un de ses meilleurs rôles, et confirmer la polyvalence de Russell Crowe, à mi-chemin entre flic musclé et clochard grassouillet.

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L'Ours, de Jean-Jacques Annaud (1988)

Revisionnage.

Je sais que je me répète, mais une fois de plus : pfioulala, du cinéma comme on en fait plus. Car L'Ours n'est pas simplement du cinéma de grand faiseur d'images, c'est du cinéma de grand raconteur. Jean-Jacques Annaud travaille avec une passion percutante dans chaque plan cette épopée simple et universelle. Il y a la quête de la survie, mais plus simplement, c'est surtout la quête de la vie. Et quelle beauté. Avec ce grand sens de la poésie (merci à l'incroyable musique de Philippe Sarde) sachant toutefois garder sa légèreté, on ressort enchanté de l'aventure. Et puis, il faut voir Annaud, sur le plateau, heureux comme un gamin, clamant que de toute façon c'est Claude Berri qui paye tout et que lui son boulot c'est de ramener un grand film. Ça c'est du cinéma.

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Le Dahlia Noir, de Brian De Palma (2005)

Les années 2000 n'auront pas été facile pour Brian De Palma, peinant à franchir vraiment le pas vers ce nouveau cinéma. Avec Le Dahlia Noir il tient le sujet idéal, évidemment. Malheureusement, ce qui aurait pu devenir l'un de ses films majeurs se voit tristement tronqué, inachevé (une heure de film a été coupée pour la sortie cinéma). Bien entendu il reste toujours l'incroyable savoir faire de mise en scène de Brian De Palma, on ne compte plus les plans étourdissants. Mais le montage a tellement haché le scénario que non seulement il perd dans l'intensité de ses personnages, mais l'enquête elle-même devient confuse. Et c'est bien dommage, car malgré un casting peu inspiré (notamment Scarlett Johansson, trop vulgaire et lisse pour le rôle), tous les éléments sont là : l'histoire, son auteur, le réalisateur idéal, Vilmos Zsigmond à la photo et Mark Isham à la musique. Suffisament pour délivrer un film agréable, pas assez pour le chef-d'oeuvre que l'on aurait pu attendre.

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Junior, d'Ivan Reitman (1994)

Il faut quand même saluer l'audace de l'auteur original de Junior, suffisamment courageux (ou insensé) pour lancer au milieu d'une réunion de production "et si on faisait un film avec Arnold Schwarzenegger qui tombe enceinte ?". Car tout le long du film il faut tout de même s'imaginer ce concept juste inimaginable. Néanmoins il témoigne du certain sens d'autodérision d'Arnie qu'il aura toujours su mettre au service de ses comédies. Dommage qu'Ivan Reitman ne réitère jamais vraiment l'inventivité du Jour sans fin, laissant ici surtout Schwarzenegger cabotiner à fond avec Danny DeVito à ses côtés. C'est toujours un peu nul, mais ça se mange sans faim.

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60 secondes chrono, de Dominic Sena (2000)

Revisionnage.

J'ai vu 60 secondes chrono lorsqu'il est sorti en salles, je m'en souviens bien, j'avais une dizaine d'années et j'avais déjà trouvé cela franchement désolant. Quelle motivation m'a poussé à le revoir, je l'ignore. Toutefois, j'en tire tout de même le concept de base, qui en lui-même est génial. Mais sans doute faut-il l'imputer à l’œuvre originale des seventies, ayant l'air autrement plus cool. Ici, rien à sauver, le mauvais goût d'un réalisateur comme Dominic Sena innonde tout l'écran : c'est mal filmé, sans intention si ce n'est d'affreux effets, Nicolas Cage est absent (est-ce mieux que quand il est en roue libre ? Bonne question), Angelina Jolie est affreuse... Heureusement que Robert Duvall est là, même s'il vient seulement toucher son chèque.

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Incassable, de M. Night Shyamalan (2000)

Filmographie de Shyamalan bouclée avec ce qui est sans doute son grand (et unique ?) chef-d’œuvre. Remarquable d'intelligence, encore plus intéressant à l'heure de l'overdose des super-héros, Incassable semble avoir tout compris à son sujet et les thèmes que la "culture" des super-héros peut inspirer. De bout en bout, c'est brillant et propulsé par une immense mise en scène (qui dès le premier plan, d'une simplicité rare mais fabuleuse, en impose). Et quant au reste, d'une part on retrouve une grande partition de James Newton Howard, de l'autre part un duo d'acteurs formidable, Bruce Willis et Samuel L. Jackson, peut-être leurs meilleurs rôles. Une grande réussite.

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La Mouche, de David Cronenberg (1986)

Revisionnage.

Quasiment trente ans après, l'horreur organique du classique de David Cronenberg fait sans aucun doute mouche (!). Les thématiques de toujours de Cronenberg, présentes au cœur de La Mouche, la contagion et la métamorphose, seront toujours d'actualité par sa manière de les aborder, avec des cas pratiques (comme ce film) ou plus imagés (dans A History of violence). Et c'est toujours formidable (ou souvent) car Cronenberg ne recule devant rien et La Mouche est un film qui va au bout des choses. Mais même dans l'affrosité qu'il décrit, Cronenberg n'oublie pas le plus important : le drame de ses personnages. Alors cette mutation horrifique prend une tournure tragique authentique de grand cinéaste. Reste à voir l'original.

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Tempête de boulettes géantes, de Phil Lord et Chris Miller (2009)

Avec un titre français de la sorte, difficile de savoir à quoi s'attendre. Néanmoins il me parait désormais impossible de douter du talent du duo de réalisateurs Lord et Miller, depuis 21 Jump street et sa suite, et bien entendu le prodigieux film Lego : La grande aventure. Tempête de boulettes géantes demeure dans le même esprit, c'est-à-dire d'une part un vrai film d'animation généreux et bien pensé, mais surtout à l'humour constamment percutant, détournant les réflexions critiques sur la société de consommation alimentaire. Un vrai petit plaisir du début à la fin, qu'il ne faudrait pas rater malgré son titre français peu accrocheur (voire repoussant). Et en plus, c'est de la 3D bien fichue.

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A armes égales, de Ridley Scott (1997)

Revisionnage.

Sans aucun doute le film de Ridley Scott le plus mal considéré, A armes égales n'en demeure pas moins un point plutôt intéressant de sa carrière, bien que film mineur témoin d'une époque difficile pour le cinéaste. C'est un film qui parvient tout de même à clore l'arc de Scott sur l'émancipation féminine (avec bien entendu Alien et Thelma & Louise), expérimente la manière de filmer la guerre (en amont de La Chute du Faucon Noir) et a même un côté diptyque avec USS Alabama de Tony Scott (avec lequel il partage certaines thématiques, quelques plans identiques et aussi la présence de Viggo Mortensen), sorti deux ans plus tôt. Et parce qu'il est plutôt habilement mis en scène par Ridley Scott (malgré ces affreux zooms dans la scène de combat finale, on sent l'expérimentation mais ça ne marche pas du tout), malgré son écriture un peu balourde ou sa pléthore d'autres défauts, le film est finalement loin d'être désagréable, et loin d'être l’œuvre la plus inintéressante de la filmographie de son auteur. Pas une mauvaise redécouverte.

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L'interview qui tue !, de Evan Goldberg et Seth Rogen (2015)

Ah, le voilà, le fameux film qui a failli déclencher la Troisième Guerre Mondiale ? Il y a de quoi être tout de même déçu par L'interview qui tue !, car vu le potentiel d'une comédie trash sur la Corée du Nord, c'est dommage de se retrouver à l'arrivée avec cette comédie vaguement sympathique mais somme toute pas vraiment audacieuse (comparé au tumulte qu'elle a causé). Certaines idées sont là, certaines situations sont même hilarantes (le début avec Eminem tape très fort), et James Franco s'en donne à cœur joie, mais passé un cap le film ne propose plus grand chose et se résout de manière quelque peu automatique. Peu de chances donc que le film soit retenu dans un bouquin d'Histoire au sein des futures causes du prochain conflit nucléaire.

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